22 mars 2018, Maison des Océans, Paris
Invité de la SFODF à Paris pour sa journée de prestige annuelle, Ravindra Nanda, professeur émérite de l’université du Connecticut, a présenté la conférence « Une orthodontie contemporaine fondée sur l’harmonie esthétique et sur la biomécanique ».
La journée de prestige de la SFODF du 22 mars a doublement retenu l’attention, de par la venue exceptionnelle de Ravindra Nanda et la coïncidence de cette journée avec le premier jour de grève de la SNCF. Le superbe site de la Maison des Océans, à Paris, a néanmoins accueilli 148 personnes, qui ont réussi à braver les difficultés ferroviaires.
Les autres inscrits, qui ne pouvaient se déplacer, ont pu assister à cette journée en streaming (visionnage à distance), grâce aux importants moyens que la SFODF a déployés, en plus de la traduction simultanée.
Fidèle à ses missions et à ses valeurs historiques, la SFODF a, une fois encore, proposé à ses membres une formation scientifique de haut niveau, qui était offerte à l’ensemble des étudiants de notre spécialité ainsi qu’aux enseignants PU, MCU et AHU des départements d’orthopédie dento-faciale des universités françaises, dont 45 étaient présents, pour que tous tirent profit de la venue de ce conférencier de renommée internationale.
Le Professeur Ravindra Nanda a bénéficié d’une formation de troisième cycle très diversifiée en Inde, en Hollande et aux États-Unis. Il dirige le département d’orthodontie et le département des sciences craniofaciales de l’université du Connecticut à Farmington, CT. Sous sa direction, l’université du Connecticut est devenue celle dont le plus grand nombre d’anciens étudiants sont aujourd’hui enseignants ou chercheurs.
Ravindra Nanda est connu pour son apport à une simplification de la biomécanique orthodontique, rendant celle-ci compatible avec un exercice clinique quotidien soutenu. Il a rappelé que depuis l’invention de l’Edgewise par Edward Angle, le double progrès de l’évolution des brackets et de l’utilisation clinique des nouveaux alliages a certainement facilité l’exercice orthodontique, mais aussi incité de nombreux cliniciens à négliger l’aspect biomécanique de leurs traitements. Pour lui, les cliniciens ont fini par laisser les fils décider, en leur lieu et place, de la direction des mouvements dentaires orthodontiques. Il a affirmé que les orthodontistes passent souvent la moitié de leur temps à traiter les problèmes des patients et l’autre moitié à corriger les problèmes qu’ils ont créés, fréquemment en raison d’une biomécanique insuffisante.
Le conférencier a précisé que l’utilisation biomécanique orientée des dispositifs orthodontiques permet de connaître à l’avance le système de forces et les effets secondaires potentiels, et ainsi de les prévenir en prenant les précautions appropriées. Il a donné l’exemple explicite des boucles de rétraction en masse des incisives et détaillé les propriétés et les indications des différents types d’arcs, dont un nombre important a été proposé par son université.
Diminuer la durée des traitements représente une préoccupation constante des cliniciens, en réponse au souhait de leurs patients et avec l’objectif de limiter les risques d’apparition de caries et de résorptions radiculaires, qui sont corrélées à la durée totale du traitement orthodontique. Dans un récent essai clinique randomisé consacré à l’utilisation d’incisions corticales piézoélectriques pour accélérer le traitement de l’encombrement antérieur mandibulaire, Ravindra Nanda n’a constaté aucun changement significatif par rapport au groupe témoin. Par exemple, la durée de l’alignement des dents mandibulaires dans le groupe expérimental était réduite de seulement douze jours. Il ne sait pas pourquoi les tenants de cette approche soutiennent pouvoir ainsi diviser par trois ou quatre la durée globale d’un traitement orthodontique.
Ravindra Nanda ne croit pas aux assertions d’auteurs. Il a déclaré avoir besoin de faits concrets et d’études de bonne qualité méthodologique. S’il regarde l’effet total et le coût supplémentaire lié à la procédure chirurgicale, il ne recommande pas les corticotomies avec élévation de lambeaux muco-périostés. Le conférencier a mené des recherches chez l’animal pour étudier l’effet des vibrations mécaniques basse fréquence sur la vitesse du déplacement dentaire, le volume et la densité osseux, l’intégrité du ligament parodontal et les résorptions radiculaires. Il a montré que les vibrations chez les rats ralentissent le mouvement dentaire orthodontique et augmentent l’apposition osseuse. Son équipe a trouvé une faible corrélation avec la diminution des résorptions radiculaires et une légère diminution de la récidive.
Ravindra Nanda partage les conclusions de la revue systématique Cochrane consacrée aux techniques non chirurgicales pour accélérer le déplacement dentaire, et il a expliqué que l’effet des vibrations mécaniques n’est pas statistiquement et cliniquement significatif. Il a préconisé aux auditeurs de ne pas se précipiter pour acheter un nouveau gadget, à moins qu’ils ne disposent d’études convaincantes en prouvant l’efficacité. En l’absence de données probantes, il ne s’est pas prononcé sur l’efficacité de la photobiomodulation laser et des champs électromagnétiques pulsés.
Trois revues systématiques de la littérature ont montré qu’il n’existe pas de données publiées probantes permettant d’affirmer que l’emploi des brackets autoligaturants réduit la douleur du patient, raccourcit la durée totale du traitement, procure un résultat plus stable ou meilleur sur les plans esthétique ou occlusal, ou diminue le recours aux avulsions dentaires (Ravindra Nanda utilise personnellement les brackets autoligaturants Bioquick® de Forestadent). Le choix de ce dispositif lui apporte une réponse au problème des ligatures élastomériques et de leur perte de force, lui permet de planifier des rendez-vous de moindre durée et de faciliter le contrôle de plaque dentaire de ses patients. Pour accroître la stabilité à long terme de nos résultats de traitement, il a conseillé de respecter la largeur intercanine et la position des dents sur l’os basal.
Ravindra Nanda a également décrit comment obtenir une amélioration esthétique et fonctionnelle de la zone de sourire, et traiter les hyperdivergences et les insuffisances verticales antérieures avec ou sans ancrages orthodontiques temporaires. Il a expliqué comment l’utilisation d’ancrages orthodontiques temporaires lui a permis une réduction substantielle des indications chirurgicales dans le traitement des béances antérieures. Il a démontré que les résultats obtenus par cette approche sont stables, avec seulement 10 à 15 % de récidive. Il a enfin présenté de nombreux exemples des techniques de gestion de cas complexes multidisciplinaires.
Merci Professeur Nanda pour cette belle journée, unanimement appréciée, et rendez-vous à tous le jeudi 28 mars 2019 pour la conférence exceptionnelle de Chris Chang.
Philippe Amat et Sarah Chauty
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