À la découverte des deux cabinets dentaires du Medical Museion de Copenhague

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 50-52)
Information dentaire
L’Université de Copenhague présente un exceptionnel musée médical situé dans les locaux anciens de l’Académie Royale de Chirurgie inaugurés en 1787. Il abrite notamment les reconstitutions de deux cabinets dentaires. Visite privée…

C’est au deuxième étage du Medical Museion de Copenhague, intéressant bâtiment du XVIIIe siècle, que se « cachent » les reconstitutions de deux cabinets dentaires. « Se cachent », car, non ouverts aux visiteurs, ils ne sont visitables que sur demande. Insistez à l’accueil pour y avoir accès, car ils en valent vraiment la peine !

Première étape : les années 1890

Le premier cabinet (fig. 1, 2, 3, 4) nous transporte à la fin du XIXe siècle. Dès l’entrée, nous remarquons un grand poêle typiquement danois indispensable pour chauffer la pièce. Au centre, un rare fauteuil dentaire de O.C. White et O’hara (ca. 1876), en fonte à pattes de lion, recouvert de velours rouge, avec son mécanisme d’élévation par vis et manivelle. Ce modèle sera amélioré dès 1878 par S. S. White avec un système mécanisé à pédale levier et à sustentation hydrostatique pour devenir en 1879, avec son marchepied ajustable, le fameux Pedal Lever Chair de S. S. White qui connut un succès considérable. Ce fauteuil précurseur est l’unique exemplaire connu.
Sa têtière est multifonctions avec repose-main. Un astucieux système mécanique permet la bascule du dossier adaptable. Une tablette mobile en noyer avec opaline sur bras articulé compensé est équipée d’un réflecteur à optique électrique de Telschow.



On trouve à son côté un grand crachoir colonne et son porte-verre (ca. 1880), avec sa réserve d’eau à pompe sans branchement sanitaire. Le grand seau qu’il contenait pour récupérer les eaux usées était prévu pour n’être vidé qu’une fois par jour ! Le tour à pédale de Morrison est l’un des rares premiers modèles des années 1880. Le cabinet est éclairé par un magnifique lustre quatre boules électriques (ca. 1890), suspendu à une potence mobile permettant une adaptation parfaite de la distribution de lumière.
Examinons l’exceptionnel meuble dentaire 1889 complètement sculpté de motifs dentaires, dont une Sainte Apolline et une réplique du fameux tableau de Gérard Dou de 1672, « Le Dentiste », visible au musée de Dresde. Les six autres têtes devaient correspondre à des célébrités du monde dentaire d’alors. Deux autres patients sculptés se font soigner sur les derniers fauteuils de l’époque facilement reconnaissables : un Justus Ask et un Wilkerson. Remarquons la présence de fleurs de pavot.
Un autre meuble se distingue par sa belle prestance : un magnifique American Dental Cabinet n° 51 en acajou de la célèbre firme de Two Rivers, Wisconsin, USA. Toujours d’une excellente finition ergonomique avec son porte-fraise et ses supports pour porte-empreinte (1882-vers 1920).

Seconde étape : 1910

Le deuxième cabinet (fig. 5, 6) nous entraîne au début du XXe siècle. Au milieu, face à la fenêtre, est présenté un fauteuil New Simplex produit par la firme Adam Schneider de Berlin dès 1883. Il s’agit d’un modèle complètement métallique, simple, avec une bascule du dossier, libéré par une pédale postérieure, entraînant l’allongement du marchepied. Un système de vis à manivelle permet la montée de l’assise. D’un prix modéré, d’une belle esthétique, flambant neuf avec ses liserés dorés, simple sans entretien, bien adaptable, léger sans installation : toutes conditions pour en faire un fauteuil de choix pour de nombreux praticiens européens Ce modèle rencontra un énorme succès et fut copié par d’autres constructeurs. Le génial système d’immédiat ajustage de la têtière d’un quart de tour avec repose-main permet de penser que nous serions bien en présence d’un modèle produit par la firme allemande Biber.
Il est accompagné d’un crachoir sur pied, avec branchement sanitaire, de type Clark A Single, avec repose-verre, pompe à salive et jet d’eau de rinçage (ca. 1900). Une tablette métallique Aseptic de S. S. White, à deux tiroirs (ca. 1910), est supportée par un bras ajustable articulé. Au niveau de la fenêtre on aperçoit un moteur boule électrique Columbia n° 2 de Ritter USA
(ca. 1910) avec son flexible de transmission, suspendu à une potence mobile et contrebalancé par un contrepoids sur le câble d’alimentation.

Une installation radiographique exceptionnelle

Ce cabinet est équipé d’un très remarquable appareil de radiographie (fig. 7). Cette installation fut réalisée autour de 1905 par les établissements Levring et Larsen de Copenhague. L’alimentation d’un courant de ville continu ou alternatif est contrôlée par un tableau régulateur en marbre, probablement d’origine allemande, comme l’interrupteur turbine à mercure suspendu par des ressorts à la base du tableau, destiné à déclencher les multiruptures de courant indispensables pour l’alimentation de la bobine d’induction. Cette importante bobine de Ruhmkorff, qui doit produire des courants de l’ordre 60 000 à 80 000 volts (!) d’une intensité de 10 à 15 mA, pesant sans doute une cinquantaine de kilos, est soutenue bien haut par un support de bois. Les deux bornes d’étincelage de la bobine sont directement reliées à deux longs rails très judicieusement placés au plafond et isolés pour des raisons de sécurité afin d’alimenter le tube radiogène en évitant des accidents électriques tout en facilitant les déplacements du statif porte-tube.
Deux rhéophores viennent alimenter les deux extrémités d’un tube à gaz de Crookes, de type focus radiogène à autorégulation électrochimique (ca. 1905). Le rayonnement est focalisé directement du tube qui est complètement enchâssé dans un coffre en bois garni d’un lourd revêtement en plomb radioprotecteur. Le statif en bois mobile sur roulettes est équilibré d’un contrepoids pour permettre une manipulation aisée et stable du protège-tube lourdement plombé et du fragile tube radiogène.
Il s’agit probablement de la seule installation de ce type complète encore visible en situation.
Sur le mur d’en face on trouve un tableau de distribution électrique de la firme Ritter USA très moderne pour l’époque (ca. 1915) ainsi qu’une belle vitrine de rangement métallique Aseptic et un meuble lave-mains hygiénique (ca. 1900) (fig. 8). Au fond, sur un support White Line Princess Cabinet, on reconnaît un réservoir gazomètre nickelé de 12 gallons pour gaz anesthésique NO2.


Félicitations à l’Université de Copenhague d’exposer de telles pièces exceptionnelles dans des lieux toujours habités de souvenirs historiques. Un bon exemple à suivre pour les universités françaises.

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