Réforme des retraites

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 44-48)
Information dentaire
Tout d’abord, il faut expliquer à ceux qui en douteraient encore que oui, il faut maintenir les régimes de retraite par répartition ; oui, il faut maintenir ce principe de solidarité entre générations et entre secteurs d’activité ; oui, ceux qui ont un peu plus d’argent doivent participer un peu plus.
Mais pour un bon équilibre, il y a des limites qu’il ne faut pas dépasser (largement dépassées actuellement).

Nous n’en finirons donc jamais !

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) dépose tous les ans un nouveau rapport. Y figurent plusieurs scénarios, des plus optimistes au plus réels. Cette année, le rapport indique un déficit moyen prévisible des régimes de bases et complémentaires d’environ 15 milliards d’euros. C’est ce montant que les membres de ce conseil doivent prendre comme base de travail. Sauf que tous les résultats sont faussés par des paramètres trop optimistes. La croissance espérée prise en compte est de 2 %, alors qu’elle plafonne à 1,2 % maximum. Cela revient à souscrire un crédit sur la base d’une forte augmentation de revenus que l’on sait pertinemment fausse. A priori, cela va “coincer” à un moment ou un autre. On peut dire que les roues patinent depuis longtemps, mais on nous fait quand même tirer cette charge en nous disant que la fin est proche, alors que nous apercevons distinctement une côte devant nous, dont nous ne voyons pas la fin.
Il faut aussi prendre en considération le taux de chômage sur lequel sont basées les prévisions de rentrées de cotisations sociales. Le taux choisi est de 7 % (ce qui est le taux de chômage certainement idéal, mais malheureusement utopique dans les conditions actuelles). Ce taux a malheureusement été atteint seulement trois années en trente ans (1983, 2001, 2008). Il s’établit actuellement à plus de 10 %, et, sauf miracle ou réelle volonté, il ne redescendra pas sous ce seuil avant un certain nombre d’années. Il manque 800 000 emplois, c’est-à-dire entre 4,5 et 5 milliards d’euros par an de cotisations pour les retraites. L’Union européenne table sur un taux de chômage de 11 % et l’OCDE sur un taux de 11,4 %. La situation est telle que pour éviter de nous affoler complètement, les politiques ne peuvent pas faire autrement que d’intégrer des paramètres édulcorés. Cela ne fait que reporter à plus tard l’onde de choc. Certainement en haut de la côte.
Partant sur ces bases de prévisions très optimistes, le résultat des calculs ne peut être que faussé. Toute nouvelle décision, toute nouvelle norme, tout nouveau modèle ne pourra être qu’obsolète avant même sa mise en place. C’est mathématique et mécanique.
Le déficit indiqué est de 15 milliards d’euros. En réalité, il sera certainement de 55 milliards.
En plus du déficit réel des régimes de retraites obligatoires du privé, il y a environ 30 milliards de subventions de l’État versés aux régimes de retraites de la Fonction publique et autres régimes spéciaux (environ 4 milliards sont pris sur les Allocations Familiales).
L’une des plus surprenantes est la « CTA » (Contribution Tarifaire d’Acheminement), qui figure sur les factures d’électricité. Elle permet, non pas d’acheminer l’électricité, mais de payer les avantages liés aux régimes de retraite d’EDF. Sachant que les agents d’EDF ne paient leur électricité que 10 %, si elle était facturée au prix normal, il n’y aurait certainement pas besoin d’en appeler aux consommateurs pour payer le déficit.
Techniquement, ce sont ceux qui perçoivent et percevront le moins de retraite qui paient pour ceux qui en perçoivent et percevront le plus. Tant que ces différences ne seront pas aplanies, nous continuerons vers une aberration économique et le devenir des régimes obligatoires de retraite ne pourra pas être assuré, sauf miracle économique, malheureusement peu probable par les temps qui courent.

Les pistes de réflexion

La première façon de sauver les régimes de retraite est de les rendre totalement égalitaires, que l’on soit salarié du privé, fonctionnaire, professionnel libéral, commerçant, etc., et quel que soit le secteur d’activité. Un seul et même régime pour tout le monde, avec les mêmes valeurs d’acquisition et de service. Les seules différences devraient se situer au niveau de la pénibilité au travail. À condition que cette pénibilité n’ait pas déjà été compensée par d’autres méthodes (congés supplémentaires, suppléments de revenu, etc.) avant d’arriver à la retraite. L’égalité et la simplicité permettront des économies d’échelle. Cette opération permettrait soit d’économiser progressivement jusqu’à environ 46 milliards par an, soit de revaloriser les retraites du privé progressivement jusqu’à 15 à 20 %, soit un mélange des deux.
Il faudra aussi regarder de près le cas des femmes qui, suite à l’éducation des enfants, se retrouvent très souvent avec un nombre d’années de cotisation inférieur, et donc une retraite inférieure.
La deuxième façon concomitante, la plus performante, de sauver les retraites est d’augmenter de façon importante le nombre de personnes en activité, ce qui augmenterait d’autant le montant global des cotisations sociales.
Plutôt que de traiter le chômage uniquement par le biais des indemnités, il faut qu’il y ait une véritable volonté pour redonner du travail aux personnes qui n’en ont plus, et souvent depuis longtemps. Pour ce faire, il convient de rapatrier, au moins momentanément, un certain pourcentage des fabrications externalisées ; de faire baisser la dépense publique afin de dégager des sommes importantes pour investir massivement dans les secteurs créateurs d’emplois et dans les nouveaux débouchés, y compris à l’export ; de changer les mentalités ; d’arrêter de dévaloriser la plupart des métiers manuels. Rien ne sert de donner le BAC à 80 % d’une tranche de la population si c’est pour que seulement 37 % obtiennent un diplôme d’études supérieures. Que vont devenir les autres ? Pour créer des emplois intra-muros, il faut aussi manger français, boire français, consommer français, bouger français, respirer français. Pour être plus précis, il faut consommer, chaque fois que possible, « Fabriqué en France ». Il existe des dizaines de PME-PMI qui sont prêtes à investir dans leur entreprise pour fabriquer les biens de consommation intra-muros, de meilleure facture et à des prix à peine plus élevés. La plupart des autres pays fonctionnent comme cela. En pratiquant ainsi, nous sauverons l’emploi de nos voisins, de nos amis, de nos frères ou sœurs, de nos parents, de notre conjoint, de nos propres enfants, et donc notre propre emploi, et, in fine, nous sauverons nos régimes de retraites. Une simple inflexion du chômage ne suffira pas.

Perspectives
Quelle que soit la façon d’aborder le problème, une parfaite égalité devant la retraite, et la création massive d’emplois est la seule façon de sauvegarder notre système de protection sociale.
Nous savons que les solutions existent, mais comme ces sujets sont, pour différentes raisons, très délicats à traiter, nous pouvons penser que dans l’immédiat rien ne bougera de ce côté-là. Il ne restera donc que les vielles recettes, qui n’ont fait leurs preuves que pour les solutions à très court terme, aggravant ainsi la situation finale. Ce sont les bons vieux mécanismes d’équilibrage, par le biais de l’allongement de la durée de cotisation, du report de l’âge de départ, de l’augmentation des cotisations et de la baisse du niveau des retraites.
Donc attendons-nous à travailler plus, plus longtemps, pour payer plus et gagner moins. Tout un programme. D’autant que nous avons, depuis longtemps, l’un des taux de chômage des jeunes les plus élevés d’Europe (25,7 %) et l’un des taux d’activité des 60-64 ans les plus faibles (20 % en France contre 36 % en moyenne en Europe).

Dans ce contexte, à quoi pouvons-nous nous attendre ?

La tranche d’âge de départ à la retraite va passer de 62-67 ans à 63-68 ans, voire 63,5-68,5 ans. Nous allons passer à 42, 43, 44 ans de cotisations nécessaires pour atteindre le taux plein (ce qui augmente aussi l’âge de départ). La cotisation augmentera de 2, 3, 4, 5 %, voire plus ; et le montant de la retraite, par le biais de la non-revalorisation, baissera progressivement, de 10 % à 15 %. On nous promettra que c’est vraiment la dernière fois, et en 2018 ou 2020, cette promesse sera remise en cause, si rien n’est fait d’ici là pour sauver réellement nos régimes de retraite.

Dans les prochains articles, je vous conseillerai sur ce que vous pouvez faire, individuellement, pour compenser la baisse inéluctable des régimes obligatoires de retraite du privé. Il reste encore une lueur d’espoir. L’ensemble de ces articles s’intitulera « Trucs et astuces pour constituer une bonne retraite pour votre développement (le plus) durable »…

A bientôt.

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