Les premières prothèses en céramique

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 42-43)
Information dentaire
En 1779, Alexis Duchâteau, apothicaire à Saint-Germain-en-Laye, s’adresse à Monsieur Guerhard, porcelainier parisien, pour la réalisation de dentiers en porcelaine dure.
L’histoire des prothèses en céramique était lancée !

Rubrique de la Société Française d’Histoire de l’Art Dentaire

Alexis Duchâteau était mécontent de ses dentiers en ivoire en raison des modifications dues à la putréfaction de ce matériau par l’action salivaire, entraînant inconfort, mauvaise odeur et décoloration. En tant qu’apothicaire, il connaissait bien les qualités de la porcelaine : matériau imputrescible, inaltérable, facilement modelable, pouvant être maquillé et résistant. A-t-il été le premier à penser à la céramique ? L’idée devait être dans l’air comme le tout nouveau concept de prise d’empreinte quasiment indispensable comme support de cuisson de la céramique.
C’est probablement le dentiste parisien Nicolas Dubois de Chémant (1753-1826) qui prit les empreintes de Duchâteau et réalisa ses prothèses.
On peut dire avec certitude que Dubois de Chémant prenait des empreintes à la cire en 1788, et très vraisemblablement bien avant, pour ses essais de prothèses en céramique. Il constata les nombreux problèmes techniques de fabrication et les inconforts buccaux générés par l’importante contraction de la céramique à la cuisson qui rendait les dentiers inadaptés à la taille réelle des maxillaires. Différentes sortes de céramique et diverses techniques furent essayées sans succès. Puis Dubois de Chémant eut l’idée de réaliser des dents unitaires en porcelaine, évitant ainsi l’inconvénient des contractions massives des pièces importantes. Ces dents unitaires devaient être montées sur des bases en ivoire ou mieux sur des bases métalliques.
Dès 1790, il travaille en étroite collaboration avec la Manufacture Royale de Sèvres où il dispose d’un petit four pour ses expérimentations et de l’aide d’artistes et techniciens porcelainiers. Le 6 septembre 1791, Dubois de Chémant obtient un « brevet pour quinze ans pour la fabrication de dents et râteliers de pâte crue ». Les archives du Musée de Sèvres disposent toujours des documents de sa démarche expérimentale et un remarquable ensemble de 158 dents en céramique produites en automne 1791.

Exil à Londres
Mais le problème de fixation de ces dents sur les bases prothétiques ou en direct sur les dents restantes était difficile à résoudre efficacement. Dès 1791, Dubois de Chémant connaissait les affinités des coefficients de dilatation entre la porcelaine et le platine, tout nouveau métal découvert (1748) et connaissait surtout ses nombreuses qualités mécaniques. Il choisit ce métal en créant des anneaux inclus dans la céramique.
Puis survinrent des années très tourmentées avec de nombreuses péripéties entre praticiens autour de ces dents en céramique et de leurs brevets. Dubois de Chémant s’exila à Londres, puis on le retrouva à Paris en 1826. Toute cette période capitale pour l’histoire dentaire est historiquement bien documentée. Citons André Belfort : « C’est à Alexis Duchâteau qu’il faut attribuer l’idée initiale d’utiliser la porcelaine pour confectionner des prothèses dentaires. C’est par contre à Dubois de Chémant que revient tout le mérite de mettre au point et de faire entrer dans la pratique courante cette idée originale. Rendons l’imagination créatrice à Alexis Duchâteau et le sens pratique de la méthode expérimentale scientifique à Nicolas Dubois de Chémant. »
La profession améliora progressivement la technique de la céramique dentaire. Il faudra vraiment attendre la deuxième partie du XIXe siècle, avec la vulcanite, pour bien résoudre les problèmes des fixations des dents unitaires sur les supports. Incontestablement, Dubois de Chémant est à l’origine de la fabrication industrielle des dents en porcelaine, peut-être même a-t-il eu des contacts directs avec Claudius Ash à Londres, mais certainement indirectement avec les fabricants américains par l’intermédiaire des Français Lebreton en 1794-1798 et Planton en 1817.

Les historiens attribuent à Dubois de Chémant la paternité de l’invention des dents imputrescibles. La céramique dentaire ne cessera alors de progresser et continue d’évoluer en qualité depuis plus de deux cents ans, toujours matériau de choix pour notamment ses qualités esthétiques remarquables.

Pour plus d’information :
www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad
www.biusante.parisdescartes.fr/aspad
http://www.biusante.parisdescartes.fr/mvad


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