Pour une retraite Madelin bio Ou comment éviter les produits toxiques

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 38-44)
Information dentaire
À la suite du précédent article sur la fiscalité de la loi Madelin (paru le 30 septembre), nous abordons cette fois le choix des produits de retraite en loi Madelin.
Précisons que, malgré tout ce qui suit, il existe heureusement d’excellents contrats en loi Madelin, dignes de confiance, qui garantissent réellement tous les points fondamentaux, notamment la rente servie à la retraite, et dont les frais sont très raisonnables.

Le choix d’un contrat retraite en loi Madelin nécessite d’analyser trois grands secteurs : les frais, la conversion de l’épargne en retraite, et les garanties complémentaires, que certains appellent annexes, mais qui sont tout aussi importantes que le reste.

Les frais
Certains sont visibles, d’autres cachés.

Les frais sur chaque versement
Ils varient de 0 % à plus de 8 %. Ils sont souvent indiqués, mais certains contrats ne donnent aucune indication.
Attention produits corrosifs : certains contrats, soi-disant, ne prennent pas de frais. Ainsi, un contrat très connu dans le milieu médical annonce 0 % de frais sur les versements et 0 % de frais sur les rentes servies. Les doutes sont légitimes. Ce contrat est un système d’achat de points retraite similaire à celui des régimes obligatoires. Depuis dix ans, la valeur de service du point retraite (c’est-à-dire la retraite acquise ou versée) n’a évolué que de 0,5 % en moyenne par an, tandis que, pendant cette même période, la valeur d’achat du point a évolué en moyenne de 4,5 % par an. C’est ici que sont récupérés les frais qui ne sont pas pris sur les versements. Il s’agit de ce que nous appellerons des frais cachés. Les calculs montrent que les frais réels sur ce type de contrat sont trois fois plus élevés que sur n’importe quel autre contrat du marché.
Il ne faut pas oublier que sur certains contrats, du fait des conditions générales, les frais peuvent être modifiés au bon vouloir de la compagnie.
Il faut aussi malheureusement évoquer les fameux frais de commercialisation précomptés, qui peuvent aller jusqu’à 100 % du versement de la première année. Ces frais sont définitivement perdus, puisqu’ils n’entrent pas dans l’évolution du capital constitué. L’argument des vendeurs consistant à dire que, par exemple, sur les dix premières années, les frais sont récupérés grâce au rendement du contrat, est totalement faux.

Les frais annuels sur l’épargne gérée
Ils varient en façade de 0,5 % à 1,2 %, selon les contrats.
Dans un premier temps, ces frais paraissent faibles. En réalité, sur la durée, ils peuvent être très importants, et dépassent souvent le cumul des frais de commercialisation.
Les premières années, le capital constitué étant faible, ces frais le sont aussi. Mais les dernières années, le capital étant important, ces frais deviennent très importants, et leur cumul aussi, d’autant plus si le montant de l’épargne annuelle augmente chaque année.
Ce principe, cumulé au système de frais précomptés non restitués, engendre des différences très importantes de capitaux constitués au terme, et donc de rente.

Attention produits dangereux pour votre environnement : certains contrats annoncent des frais, par exemple de 0,475 %. Or en approfondissant les conditions générales, nous nous apercevons qu’en plus des 0,475 % annoncés, des frais de 0,75 % s’appliquent « sur le compte financier avant répartition des bénéfices ». C’est très joliment dit, mais cela monte les frais réels à 1,225 %.
Cela ressemble beaucoup aux marges arrière de la grande distribution. Ce sont des frais cachés.
D’autres contrats prennent des frais sur l’épargne gérée plus importants pendant le versement de la retraite que pendant la constitution de l’épargne.

Les frais sur les rentes
La plupart des contrats prennent soit 3 % en une seule fois sur le capital constitué au moment de prendre la retraite, c’est-à-dire au moment où il est le plus important, soit 3 % sur chaque arrérage de rente.
Dans la majorité des cas, ce sont les mêmes contrats qui ont aussi quelque peu exagéré les autres frais pendant la constitution. Il semble un peu cavalier de prendre des frais juste pour restituer ce qui appartient au souscripteur. Heureusement, certains contrats ne prennent aucun frais.

Attention produits nocifs : il existe un contrat qui annonce ne prendre aucun frais sur les rentes servies. Mais, en contrepartie, les frais sur l’épargne gérée sont de 1 % contre 0,5 à 0,6 % normalement, soit des frais supérieurs sur l’épargne gérée de 0,4 %.
Prenons un exemple simple : avec 100 000 € de capital, la rente est d’environ 4 000 € (selon l’âge à la souscription) avec ce contrat. Vaut-il mieux avoir 4 000 € x 3 % = 120 € de frais chaque année ou 100 000 € x 0,4 % = 400 € de frais chaque année ?
Après analyse approfondie, nous constatons que ce contrat, qui annonce 0 % de frais, prend 3,33 fois plus de frais que celui qui prend 3 % sur chaque arrérage. Un tour de passe-passe et des frais cachés…
Il y a aussi les contrats qui cumulent les deux systèmes indiqués précédemment. Dans ce cas, nous sommes plus proches du gavage d’oie des gestionnaires que de frais réellement justifiés.

Autres frais cachés sur les rentes
Avec 100 000 € de capital constitué, certains contrats donnent par exemple 4 000 € de rente annuelle et d’autres 4 800 €. Ces 800 € par an représentent un capital d’environ 20 000 €, qui n’a donc pas été pris en compte pour calculer la rente. Nous pouvons considérer ces 20 000 € comme des frais cachés, qui peuvent représenter jusqu’à 20 % du capital constitué.

Les frais sur les transferts
Ils doivent être au maximum de 1 %, et seulement pendant les dix premières années du contrat.

Attention produits irritants : certains contrats prélèvent jusqu’à 5 % du capital lors du transfert vers un autre contrat. D’autres contrats précisent que le transfert se fera dans les six mois à partir de la demande. Ils peuvent donc légalement garder l’argent six mois de plus. Sachant que la valeur de transfert sera calculée au jour du transfert avec les valeurs boursières de ce moment-là, imaginons les dégâts lorsqu’une grosse majorité du capital est placée sur des supports boursiers en période de chute de la Bourse.

La conversion de l’épargne en rente
C’est le point fondamental pour le choix d’un contrat. Il existe quatre grands principes de transformation du capital en rente.

Premier principe 
Le capital sera transformé en fonction du taux en vigueur au terme du contrat
Si les conditions générales du contrat comportent un texte qui ressemble à celui-ci, il faut fuir : « Le montant de la rente sera déterminé en fonction de l’épargne acquise, de l’âge du crédit rentier, et du tarif applicable au terme du contrat pour la transformation de l’épargne en rente viagère. »
Traduisons : dans ce cas, il n’y a aucune garantie, la compagnie accordera ce qu’elle voudra. Ces contrats sont à éviter impérativement.
Imaginez que vous ayez souscrit un contrat pour votre voiture et que vous vous aperceviez que les garanties accordées seront celles en vigueur (au bon vouloir de la compagnie) au jour du sinistre. Vous commencez à comprendre… C’est le principe qu’appliquent la grande majorité des compagnies et banques. Attention, produits toxiques. Contrats à éviter.
Il faut éviter systématiquement les contrats qui ne garantissent pas, dès la souscription, la transformation de chaque versement (ou du capital) en rente.

Deuxième principe 
Chaque versement correspond à l’achat de points
La valeur d’achat du point et la valeur de service du point ne sont absolument pas contractuelles ; il n’existe donc pas de minimum de rente garantie. La valeur de service du point se répercutant sur les rentes pendant leur service, l’évolution même de la rente n’est pas garantie. C’est exactement comme les régimes obligatoires. Attention, produits toxiques. À éviter également.

Troisième principe 
À chaque versement correspond un nouveau taux de transformation en rente
Ce système est meilleur que les deux précédents, mais le taux baisse chaque année, donc les garanties aussi, et sans barème préétabli, il est aussi à éviter.

Quatrième principe 
Le capital est transformé au terme (ou à chaque versement) avec le taux garanti dès la souscription
Cela permet d’éviter les baisses liées aux tables d’espérance de vie.
C’est le seul système qui apporte de réelles garanties. C’est celui que nous conseillons.
Mais attention, le fait de garantir un taux de conversion ne prouve pas que le contrat fait partie des meilleurs.
Il faut vérifier si cette garantie est accordée en cas de réversion sur le conjoint, regarder l’incidence des frais, la souplesse du contrat et les garanties complémentaires.

Attention produits dangereux : il ne faut pas confondre garantie de taux de conversion en rente et garantie des tables d’espérance de vie (ou de mortalité). Il existe sur le marché des produits qui garantissent les tables d’espérance de vie en vigueur à la souscription (ou en vigueur au fur et à mesure de la vie du contrat), mais qui n’incluent dans aucun document contractuel ni barème, ni taux de conversion, ni évolution de valeur d’achat du point ou de valeur de service du point.
Cela correspond en fait au premier principe indiqué ci-dessus. Les compagnies distribuant ces contrats appliqueront le taux qu’elles voudront bien appliquer en indiquant que c’est bien ce qui était garanti à l’adhésion. Et comme rien n’est stipulé dans le contrat, il n’y aura aucun moyen pour le vérifier.
Mais le fait d’indiquer que les tables d’espérance de vie sont garanties fait croire aux clients que le taux de conversion est garanti, ce qui n’est absolument pas le cas.
Les tables d’espérance de vie ne servent qu’à indiquer le taux maximum à ne pas dépasser. Les compagnies ont tout loisir d’appliquer de manière unilatérale des taux en dessous.
Certains contrats garantissent le taux de conversion uniquement pour un montant d’investissement déterminé. Cette garantie de taux est perdue dès que le souscripteur modifie à la hausse ou à la baisse l’investissement de départ. Cela implique un manque de souplesse qui va à l’encontre de la loi Madelin et de la gestion d’une constitution de retraite dans le temps.
D’autres contrats garantissent un taux de conversion en rente uniquement sur la tête de l’assuré principal. Dans ce cas, lorsqu’il y a demande de réversion, on retombe dans le premier principe qui consiste à calculer la rente en fonction des paramètres en vigueur au moment de la demande de réversion. Il n’y a donc aucune garantie. Comme neuf contrats sur dix se soldent par une demande de réversion au moment de la prise de la retraite, on peut considérer que ces contrats ne garantissent un taux de conversion que pour 10 % des cas.

Attention produits toxiques : des contrats garantissent, a priori, le taux de conversion pour une durée définie. Certains garantissent le taux de conversion en rente jusqu’en 2026, 2031 ou 2036, selon la date de souscription. Après, ce n’est plus garanti. Toutefois, à la lecture des conditions générales, nous constatons que le tableau des taux de conversion en rente n’est garanti qu’à la condition que le taux d’intérêt technique soit celui indiqué dans ces mêmes conditions générales. Ce taux d’intérêt technique étant sujet à variation, l’organisme a la possibilité de le modifier au terme. En fait, le tableau des taux de conversion n’est pas réellement garanti, puisqu’il peut être modifié à tout moment.

Les garanties complémentaires : des avantages essentiels
Les annuités garanties : notamment pendant le service de la rente
Il ne faut pas confondre avec la réversion sur le conjoint.
Cela signifie que s’il y a décès de votre part pendant le service de la retraite, la compagnie s’engage à verser un minimum de nombre d’années (de cinq à vingt selon les contrats concernés) aux bénéficiaires désignés, même si le conjoint est lui-même décédé. Ce principe garantit un retour d’investissement pour les enfants, par exemple.

Attention produits toxiques : si le contrat n’indique aucune garantie de ce type en cas de décès, notamment pendant le service de la rente, c’est “tout bénéfice” pour la compagnie. Il est dommage d’avoir investi pendant toutes ces années pour que ce soit cette dernière qui en profite, plutôt que vos héritiers.
Certains contrats accordent ce type de garantie pendant la constitution de l’épargne, c’est-à-dire quand il y a le moins de risque de s’en servir, et n’accordent rien pendant la période de service de la rente.
Ce n’est pas parce que le certificat d’adhésion (ou les conditions particulières) indique des bénéficiaires qu’il y a des garanties en cas de décès. C’est aussi une façon de procéder pour égarer le client.

L’exonération du paiement des cotisations en cas d’arrêt de travail temporaire ou en cas d’invalidité
Cette garantie, lorsqu’elle existe, engage la compagnie à continuer d’investir (jusqu’au terme du contrat) en votre lieu et place en cas d’arrêt de travail temporaire et, surtout, en cas d’invalidité de votre part pendant la constitution de l’épargne. Ainsi vous êtes sûr de percevoir votre retraite quoiqu’il arrive, comme si vous aviez continué d’investir. Sur le marché, un seul contrat garantit le calcul du taux d’invalidité (comme avec les meilleurs contrats de prévoyance) en ne prenant en compte que l’incidence sur l’activité professionnelle, tout accident et maladie confondus. Et cela sans tenir compte d’une éventuelle possibilité de reconversion vers un autre métier ou activité.
À titre d’information : le régime obligatoire de retraite n’accorde que six points de retraite par an en cas d’invalidité reconnue, soit environ 144 € de retraite à acquérir par année d’invalidité jusqu’à l’âge de 60 à 62 ans. S’il y a invalidité à l’âge de 40 ans, la retraite maximale accordée par le régime obligatoire sera d’environ 9 600 € par an.

La garantie de bonne fin
Cette garantie, lorsqu’elle existe, engage la compagnie à continuer d’investir (jusqu’au terme du contrat) en votre lieu et place en cas de décès de votre part pendant la constitution de l’épargne. Ainsi, le conjoint perçoit la totalité de la retraite comme si vous aviez continué d’investir.

Et dire que certains considèrent ces trois garanties comme simplement « annexes » !

Au final, qu’est-ce qu’un bon produit retraite bio ?
Les frais sur chaque versement doivent être contractuels et clairement définis ; ils ne doivent pas dépasser 5 %.
Les frais sur l’épargne gérée, y compris pendant le versement de la rente, ne doivent pas dépasser 0,6 % (éventuellement 0,8 à 0,9 % pour les unités de comptes pour la partie multisupports). Le contrat ne doit pas comporter de frais cachés « en marge arrière ».
Il ne doit pas y avoir de frais sur les rentes, ou du moins les plus faibles possibles. Et il ne faut pas qu’il y ait de récupération cachée en amont sur le compte financier ou en aval sur le niveau du montant de la rente elle-même.
Le taux ou le barème de conversion en rente doivent être réellement garantis et chiffrés à la souscription, tant pour le souscripteur que pour son conjoint.
Les fonds doivent être placés pour au moins 75 % sur des fonds garantis dits en « euros ».
Le contrat doit comporter de manière contractuelle les trois garanties complémentaires indiquées précédemment, en cas d’arrêt de travail, d’invalidité et de décès.
Si, si, ces contrats existent !
N’oubliez pas que si vous avez un contrat comportant un ou plusieurs produits toxiques, vous pouvez en changer et transférer les fonds constitués sur un autre contrat mieux garanti. La loi Madelin le permet.

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